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6 octobre 2005

Le principal « argument » phare des ayatollahs de

Le principal « argument » phare des ayatollahs de la hausse perpétuelle des prix est le mystérieux « effet de rattrapage des prix ».

Ma boulangère n’a que ce mot à la bouche.

Il suffit d’ouvrir n’importe quel article de presse pour constater que cet « argument » est en permanence mis en avant pour tenter d’expliquer l’augmentation des prix de ces dernières années.

En l’espèce, pour les professionnels et les médias qui utilisent ce terme, il ne s’agit pas d’expliquer les raisons d’une hausse vertigineuse des prix mais de justifier cette dernière a posteriori en inversant totalement le sens de tout raisonnement logique.

Ainsi, l’ « effet de rattrapage » des prix n’est pas exposé comme étant une conséquences habituelles d’une bulle spéculative mais comme une cause et justification suffisante de la hausse des prix.

Encore une fois, il est frappant de constater que ce même terme était déjà utilisé dans les années précédent l’éclatement de la bulle Internet. Les médias exposaient alors que le CAC 40 était sous-évalué par rapport au marché boursier américain et qu’il demeurait donc un important potentiel de hausse car le « rattrapage » du marché français  n’était pas terminé. (Déjà étrangement, on ne mentionnait nulle part que le NIKKEI japonais n’avait toujours pas à l’époque retrouvée son niveau atteint 15 ans auparavant).

A l’époque on pouvait ainsi lire :

« Elle monte, elle monte... A Paris, à Milan, à Francfort, à Londres... Jamais les places boursières européennes n'ont connu, en cinquante ans, une telle euphorie….

A sept reprises, il y a eu des replis, pendant un jour ou deux, parfois trois, mais de faible ampleur. Ces pauses sont mises à profit pour prendre ses bénéfices sur les valeurs leaders de la cote et offrir des sessions de rattrapage à celles qui ont été provisoirement laissées pour compte. »

Source : le Nouvel Observateur n° 1745 du 16 avril 1998 (accessible à partir du site : http://archquo.nouvelobs.com/index.html)

Analysons donc ensemble cette fabuleuse notion intemporelles qui évite à ceux qui n’ont rien à dire de se taire.

Selon les professionnels de l’immobilier, les prix de la province auraient flambé par un « simple » effet de rattrapage par rapport à ceux de Paris. Les prix de Paris rattraperaient ceux de Londres. Les prix de l’est parisien rattraperaient ceux de l’ouest. Les prix de la campagne rattraperaient ceux des grandes métropoles régionales etc…etc….

On notera tout d’abord que « l’effet de rattrapage » ne fonctionne étrangement qu’à la hausse et mystérieusement jamais à la baisse. Ainsi, Paris ne devrait jamais rattraper Bruxelles ou Berlin pourtant trois fois moins cher ! De même, la hausse des prix en France ne rattrape jamais ceux de l’immobilier en Allemagne ou du Japon, pays qui connaissent tous deux une déflation continue des prix de l’immobilier depuis le début des années 1990 !!

Seconde bizarrerie de « l’effet rattrapage » : c’est une notion à géométrie variable selon l’époque et dont le référentiel est modifiable à volonté.

Ainsi entre les années 2000 et 2004, le référentiel était Londres dont les prix progressaient alors de plus de 20% par an. Suite au retournement du marché anglais survenu à la mi-2004, le « phénomène de rattrapage » des prix à  Paris par rapport à Londres a mystérieusement disparu des médias… ! Désormais, les professionnels ne nous parlent plus qu’uniquement de rattrapage entre zones géographiques franco-françaises ! Prochainement, lorsque les prix de Roubaix auront rattrapé ceux des Champs-elysée, il conviendra de s’attendre à ce que le nouveau référentiel devienne les prix sur la Lune ou Mars…

Afin de comprendre ce qu’est réellement «l’effet de rattrapage», il suffit de regarder la chronologie et la géographie de la hausse des prix lors de la dernière bulle immobilière de la fin des années 1990.

En 1986, les prix ont commencés par flambées dans les quartiers chics de Paris (16e et 17e arrondissement) puis la hausse s’est propagée aux quartiers dits populaires de l’est parisien. Enfin, la flambée a touché a touché la première, seconde puis troisième couronne de la banlieue parisienne.

Cette propagation des prix en forme d’escargot s’explique par le comportement irrationnel des acteurs en période de bulle. Le nombre de transactions explosant de concert avec les prix, les ménages sont progressivement contraints pour continuer à acheter de s’éloigner progressivement de leurs souhaits géographiques d’origine. Les ménages qui avaient le budget pour acheter dans les quartiers ouest de Paris se rabattent sur l’est parisien et y font grimper les prix, ceux qui pouvaient acheter sur l’est parisien se rabattent en première couronne et ainsi de suite….

Il s’en suit une homogénéisation des prix par le haut, les quartiers historiquement les moins chers connaissant alors les hausses proportionnellement les plus importantes. Le différentiel de prix entre quartiers de « standing », pourtant sans aucune mesure, se retrouve de plus en plus étroit, jusqu’au jour où les acheteurs finissent par s’apercevoir que pour quasiment le même prix du mettre carré ils pourraient acheter, par exemple, dans le 16e arrondissement parisien au lieu du populaire 20e !

Aujourd’hui, nous sommes très proche de cette situation sur Paris et en région parisienne.

En définitive, le « phénomène de rattrapage » des prix  d’une ville à l’autre, d’un quartier à l’autre, n’est en aucun cas une cause pouvant justifier la hausse mais seulement un symptôme révélateur et propre à toutes bulles spéculatives.

Pour rappel, en 2000, la capitalisation boursière du site Internet Amazone avait « rattrapé », puis dépassé, celle de Boeing !

Toutefois, les différences historiques de prix entre quartiers et villes qui résultaient de fondamentaux, comme la qualité du bâti, la situation, des revenus de la population locale, finissent toujours par revenir à la normal. Ce retour à la réalité est malheureusement souvent brutal.

Pour une thèse complète détaillant les mécanismes psychologiques mis en œuvre lors de la formation de la dernière bulle immobilière de 1991 :

http://www.univ-lille1.fr/medee/publications/articles/cornuel_bulle.pdf

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